lundi 3 février 2014

Chauve-souris maya / Soots' / Murciélago maya

Les Mayas se sont toujours beaucoup intéressés aux animaux. Ainsi, la chauve-souris, très fréquente au Mexique (une soixantaine de variétés), et dans les grandes grottes du Yucatán, a eu une forte importance dans la mythologie maya.

Balamkú, Campeche, circa 450


La chauve-souris fait peur dans le Mayab. Animal nocturne, elle était associée par les Mayas de l'époque classique à la mort et au sacrifice. Les vases la représentent avec des marques de mort, des yeux exorbités et des os. Dans le Popol Vuh, le livre sacré des Mayas, dans la Maison des Chauves-souris de Xibalbá, le monde inférieur, Camazotz ("chauve-souris de la mort") décapite l'un des héros jumeaux, Hunahpu.



La chauve-souris donne aussi son nom (soots') à l'un des mois du calendrier maya.
Un conte maya que je viens d'étudier en cours (Domingo Dzul Poot, Cuentos mayas, 1) présente l'ambiguité de la chauve-souris, qui est à la fois souris et oiseau. Ce conte m'a rappelé la fable de La Fontaine (II, 5), empruntée à Ésope:
"Je suis oiseau: voyez mes ailes; / Vive la gent qui fend les airs!"
"Qui fait l'oiseau? C'est le plumage, / Je suis souris: 'Vivent les rats! / Jupiter confonde les chats!'
Par cette habile répartie / Elle sauva deux fois sa vie.




La chauve-souris des fabulistes échappe à la mort sous la dent de deux belettes sanguinaires ennemies respectivement des souris et des oiseaux. La morale est politique: en période troublée, retourner sa veste peut être synonyme de salut.
La morale du conte maya est bien différente: ici, être assis entre deux chaises sans prendre parti vous promet à une mort certaine. C'est l'engagement qui est valorisé: il s'agit à la fois d'une question de bon sens et d'une question d'éthique.

Les Mayas se sont-ils inspirés de la fable européenne par l'intermédiaire des Espagnols? C'est possible, mais leur créativité et leur sens de l'observation peuvent laisser penser qu'ils ont d'eux-mêmes réfléchi à l'ambivalence particulière de la chauve-souris. En tout cas, l'histoire maya est tout à fait originale, et pittoresque. En voici la traduction que j'ai faite à mon cours de maya:

Le conte de la chauve-souris:
"Il se produisit un jour une bataille entre les oiseaux et les animaux. 
Alors, la chauve-souris se demanda: "Et moi, aux côtés de qui vais-je me ranger, moi qui suis souris et en même temps oiseau [tumen (parce que) teene' (je suis) ch'o'en (souris), beyxan (et aussi) ch'ich'en (oiseau)] ? C'est pour cela que je ne sais pas quel parti choisir! Pourtant voici ce que je vais faire: quand je verrai que les oiseaux l'emportent sur les animaux, j'irai du côté des oiseaux; quand je verrai que ce sont les animaux qui l'emportent, j'irai du côté des animaux."
Et c'est ce que fit la grande chauve-souris. Quand ils virent ce qu'elle faisait, ils lui parlèrent, et lui dirent: "Décide quel parti tu vas choisir, parce que ce que tu fais n'est pas bien. Toi, tu changes continuellement de camp pour être aux côtés du vainqueur: ce n'est pas bien. Il faut que tu ailles d'un seul côté: ou tu gagnes, ou tu perds."
Et la chauve-souris répondit: "Non! Moi, je reste au milieu!" "Soit", lui dirent les oiseaux et les animaux. Et elle resta au milieu.
Et quand ils l'écrasèrent, la chauve-souris mourut instantanément.
Ainsi, qui joue sur deux tableaux est suspendu à une corde sur le point de se rompre, sur la bouche même de la mort.

J'ai publié depuis une étude sur la fable de La Fontaine dans la Revue de l'Association des Professeurs de Lettres où je cite le texte du conte maya.

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Los mayas siempre se interesaron en los animales. El murciélago, muy presente en México, y en las grandes grutas de Yucatán, tuvo gran importancia en la mitología maya. El murciélago da miedo en el Mayab. Animal nocturno, fue asociado a la muerte y al sacrificio por los mayas de la época clásica. Los vasos lo representan con marcas de muerte, ojos exorbitados y  huesos. En el Popol Vuh, el libro sagrado de los mayas kiche’, Camazotz (“murciélago de la muerte”) decapita a Hunahpú, uno de los héroes gemelos. El murciélago da también su nombre (soots’) a un mes del calendario maya.


Un cuento maya que acabo de estudiar en mi clase (Domingo Dzul Poot, Cuentos mayas, 1) presenta la ambigüedad del murciélago, que es a la vez ratón y pájaro. Este cuento me recordó la fábula de La Fontaine (II,5)

“Soy pájaro. Ve mis alas. ¡Viva la gente que vuela!”

“¿Con que se hace el pájaro? ¡Es el plumaje! ¡Soy ratón! ¡Vivan las ratas!

Así, el murciélago de la fábula salvó dos veces su vida. Aquí la moraleja es  política: en una época difícil, cambiar de opinión puede salvarle la vida.

La moraleja del cuento maya es muy diferente: aquí, no elegir un lado lo conduce a la muerte. El compromiso está valorado. Es una cuestión de lógica y de moral.

¿Se inspiraron los mayas de la fábula europea por intermedio de los españoles ? Es posible, pero su creatividad y su sentido de observación sugieren que han pensado en la ambivalencia del murciélago. De todos modos, la historia maya es muy original y pintoresca. Aquí está mi traducción.


El cuento del murciélago

Hubo un día una batalla entre los pájaros y los animales. Entonces se preguntó el murciélago: “De qué lado voy a irme, yo quien soy ratón, y al mismo tiempo pájaro (tumen (porque) teene’ (soy) ch’o’en (yo ratón) beyxan (y también) ch’ich’en (pájaro). Es por eso que no sé qué partido tomar. Pero esto es lo que voy a hacer. Cuando vea que los pájaros ganan sobre los animales, iré con los pájaros, y cuando vea que los animales ganan, iré con los animales.”  

Y es lo que hizo el murciélago. Cuando vieron lo que hacía le hablaron y le dijeron: “Decide el partido al que vas a estar, porque lo que haces no está bien. Tú siempre cambias de lado para estar con el vencedor. No está bien. Debes ir de un solo lado, o ganas o pierdes. Y respondió el murciélago: “No. Yo me quedo en el centro”. “Muy bien”, le dijeron los pájaros y los animales. Y él se quedó en el centro. Y cuando lo aplastaron, murió instantáneamente.

Así, quien juega en dos lados pende de una cuerda que está a punto de romperse en la misma boca de la muerte.


He publicado un artículo sobre la fábula de La Fontaine en una revista de Francia donde doy mi traducción del cuento maya al francés.




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